E1 - M2N > O1-a. Mathématiques et mécanique géométrique

Intégrateurs géométriques :
La géométrie différentielle permet de construire des modèles et des schémas numériques préservant les propriétés physiques. Ainsi, nous avons démontré les performances des approches utilisant des symétries de Lie pour la construction de modèles de sous-maille pour les écoulements turbulents, des lois d’échelle pour les écoulements anisothermes, des intégrales premières et lois de conservation en mécanique des fluides. Cela nous amené à étendre ces approches à la construction des schémas numériques. Nous avons ainsi construit des discrétisations des équations aux dérivées partielles préservant les symétries de Lie grâce à la technique des repères mobiles d’Elie Cartan.

Plus récemment nous avons développés des schémas numériques basés sur le calcul différentiel extérieur discret (DEC) qui assure que lors de la discrétisation d’une équation aux dérivées partielles, le carré de la différentielle extérieure est nul à la précision machine. En particulier, c’est une façon d’assurer que les identités classiques de type div rot = 0 et rot grad = 0 sont vérifiées à la précision machine. Cela apporte beaucoup d’avantages en éliminant des solutions parasites dans les domaines non simplement connexes ou avec des coins. Mais un autre avantage important est que ce type de discrétisation s’adapte naturellement aux variétés. Nous avons déployé cette approche sur différents problèmes, en particulier pour la simulation des écoulements isothermes et anisothermes ainsi que pour l’étude de la dynamique d’un vortex sur une variété sans bords. Une synthèse sur les intégrateurs géométriques a fait l’objet d’un article de 70 pages (Razafindralandy et al. Adv. Model. and Simul.in Eng. Sci. (2018) 5:16).

Géométrie généralisée, géométrie graduée et schémas numériques.
Nous travaillons également sur la formalisation géométrique des problèmes mécaniques couplés (par exemple les problèmes d’interaction fluide structure). La structure géométrique sous-jacente permet la construction des schémas numériques préservant le bilan de puissance. Il s’agit d’une structure géométrique dite de Dirac, qui généralise la géométrie symplectique et la géométrie de Poisson. Nous utilisons cette structure dans deux contextes : les systèmes mécaniques avec contraintes et les systèmes dits hamiltoniens à ports (SHP). Nous avons ainsi montré que, pour les problèmes avec contraintes en dimension finie, il est possible de construire des schémas numériques préservant la structure de Dirac. Nous avons mis en évidence comment il est possible d’améliorer la précision de ce type de schémas (V. Salnikov, A. Hamdouni, Z. Angew Math Mech. 2019). Pour les SHP, on s’est aperçu que le formalisme n’ajoute pas forcément de l’information géométrique, par contre il permet « d’ordonner » le système pour la gestion plus optimale du calcul. En plus, il offre un passage possible vers le formalisme de la géométrie graduée.

La géométrie graduée est le cadre mathématique qui a été développé en physique théorique pour préciser les supersymétries. Il s’avère que, au-delà de la motivation initiale, il s’agit d’un langage mathématique puissant et souple permettant d’unifier de grandes classes de structures intervenant en mécanique (géométrie symplectique, géométrie de Poisson et structure de Dirac). Nous travaillons pour adapter la géométrie graduée au formalisme géométrique de la mécanique. Pour cela, il a fallu en premier lieu comprendre certaines constructions de la structure fonctionnelle et les propriétés des variétés graduées, ainsi que formuler les « near-at-hand tasks » pour leur implémentation numérique (V.Salnikov, A.Hamdouni, P.C.S 2020).

Grâce à un travail en collaboration avec Camille Laurent Gengoux de l’Institut Elie Cartan de l’Université de Lorraine, nous avons pu faire le lien entre les variétés différentielles graduées et feuilletages singuliers (qui apparaissent naturellement dans les problèmes de contrôle). Cette connexion nous a ouvert des perspectives vers l’application de la géométrie graduée à la théorie du contrôle non linéaire en mécanique. Ce travail fait l’objet d’un projet 80 Prime du CNRS soutenu par l’INSMI (projet GraNum, Géométrie graduée et schémas numériques, 80 Prime du CNRS, 2020 – 2021).

Quelques résultats théoriques sur les structures de Poisson.
Des travaux sur les structures de Poisson sont menés en collaboration avec P. Vanhaecke (Laboratoire de Mathématiques et Applications, de l’université́ de Poitiers) et T. Lambre (Laboratoire de Mathématiques Blaise Pascal, université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand). De même que dans le cadre des algèbres de Lie, il existe une notion d’algèbre enveloppante pour les algèbres de Poisson. Ces travaux sont en lien avec les algèbres de Lie-Rinehart. Les algèbres de Poisson sont, tous comme les algèbres de Lie, des cas particuliers d’algèbres de Lie-Rinehart. Il est connu depuis les travaux de Rinehart, en 1963, que ces algèbres admettent, sous certaines conditions, un théorème du type Poincaré-Birkoff-Witt. En terme d’algèbre de Poisson, cela se traduit par le fait qu’une algèbre de Poisson lisse admet un théorème de Poincaré-Birkoff-Witt (T. Lambre C. Ospel, P. Vanhaecke ; J. of Algebra 458 (2017)). Nous avons donné́ plusieurs nouvelles constructions de l’algèbre enveloppante d’une algèbre de Poisson. Cela nous a permis d’établir un théorème de Poincaré-Birkhoff-Witt pour une classe importante d’algèbres de Poisson singulières. Géométriquement, ces algèbres correspondent à des hypersurfaces de Poisson singulières de variété de Poisson affine lisse arbitraire.
Dans le cadre d’une collaboration avec F. Panaite (Bucarest) et P. Vanhaecke, nous travaillons depuis 2017 sur l’étude de généralisations de structures d’algèbres dendriformes. Classiquement, ces algèbres sont associées à des algèbres associatives.

Nous avons généralisé ces structures à des algèbres satisfaisant un ensemble donné de relations quelconques. Ces généralisations sont définies par une propriété naturelle de bimodule. Nous donnons une procédure permettant d’établir facilement les relations les définissant, à partir des relations de l’algèbre originale.
La notion de polarisation d’une algèbre introduite par M. Markl, E. Remm en 2006 dans le cadre des algèbres dendriformes a pu être généralisée à ces algèbres dendriformes généralisées. Cela permet d’en donner une description plus simple. Nous avons ainsi pu étendre des résultats de M. Aguiar concernant les déformations d’algèbres dendriformes. La méthode utilisée pour la généralisation est ensuite appliquée pour définir des opérateurs de Rota-Baxter faibles pour des algèbres quelconques. Ces opérateurs permettent également de retrouver les algèbres dendriformes généralisées. Cela nous a conduit à généraliser un autre résultat de M. Aguiar donnant une interprétation naturelle du lien entre les bigèbres infinitésimales et les algèbres de pré-Lie en termes d’algèbres dendriformes.

Évolution d’un vortex sur un ellipsoïde. Calcul par DEC
publie le vendredi 23 juin 2023